Comment expliquer les coupures de câbles sous-marins et réduire l’impact de ce phénomène ?

Le week-end dernier, un câble sous-marin a été coupé en mer Rouge, perturbant ce faisant l’accès à Internet au Moyen-Orient et en Asie. Il a fallu attendre trois jours après la coupure pour apprendre qu’elle résultait probablement des manœuvres d’un navire commercial..
Ce n’était pas le premier phénomène de ce genre. En février dernier, quatre câbles ont été arrachés en mer Rouge par l’l’ancre du MV Rubymar, un navire en train de couler. . L’organisation de surveillance d’Internet NetBlocks a déclaré que la panne avait entraîné une dégradation de la connectivité jusque dans des pays aussi éloignés que l’Inde et le Pakistan.
Avec les nombreux déploiements de câbles dans le monde, le besoin d’une surveillance permanente s’impose plus que jamais. Outre les câbles de données, les câbles d’alimentation des éoliennes offshore, ainsi que les pipelines de pétrole et de gaz, font partie intégrante de l’infrastructure sous-marine critique exposée à des attaques, à des dommages accidentels et à une dégradation naturelle.
Selon le Comité international de protection des câbles, il existe environ 1,7 million de kilomètres de câbles sous-marins, lesquels subissent 150 à 200 incidents par an. Dans ce blog, nous examinerons les techniques de protection physique existantes qui permettent de protéger cette infrastructure critique. Nous verrons également comment minimiser les effets de ces incidents et déterminer plus efficacement les causes des dommages.
Protection physique
Certains câbles sous-marins traversent des océans entiers. Meta, par exemple, prévoit de déployer un câble de plus de 40 200 km autour de la Terre. Leur protection, extrêmement difficile, est aujourd’hui principalement assurée par des techniques telles que le blindage et l’enfouissement.
Il n’est toutefois pas toujours possible de recourir à ces techniques. Enfouir les câbles à une profondeur suffisante pour les protéger des ancres s’avère coûteux. Et même protégés de la sorte, les câbles sont exposés aux tremblements de terre et autres événements sismiques similaires. Renforcer le blindage des câbles est également une solution onéreuse, non seulement en termes de câbles eux-mêmes, mais aussi de déploiement.
Il existe une dernière option : les patrouilles actives à la surface au-dessus des câbles. Elle n’est toutefois envisageable que pour des câbles relativement courts, comme dans la section finlandaise en mer Baltique, mais le coût à grande échelle en serait prohibitif.
S’il n’est pas possible d’assurer une protection économique contre les coupures, pouvons-nous au moins réduire les dommages causés ?
Minimiser les effets d’une coupure
Les coupures de câbles sont à la fois fréquentes et coûteuses. Près des trois quarts des déclarations de sinistres aux assurances ont trait à des structures offshore qui ont subi une coupure de câble. La durée moyenne de l’interruption atteint 62 jours et le coût moyen de réparation s’élève à 12,5 millions £ (14,4 millions EUR). Et c’est sans inclure le coût de l’interruption pour l’opérateur et tous ceux qui comptent sur ses services.
Les réparations sont un défi en raison de la difficulté à repérer l’emplacement exact. Par exemple, lorsqu’un câble cheminant le long du littoral d’Afrique de l’Ouest a été endommagé, le porte-parole de la Commission nigériane des communications a seulement pu indiquer que la coupure s’était produite « quelque part entre la Côte d’Ivoire et le Sénégal ».
Il existe toutefois des techniques permettant de localiser le dommage avec plus de précision et d’émettre des avertissements précoces. En particulier, des technologies de mesures réparties par fibre optique (DFOS) sont déjà utilisées pour protéger les pipelines et autres infrastructures critiques à travers le monde.
Trois techniques (Raman, Brillouin et Rayleigh) mesurent la manière dont la lumière chemine le long d’un câble afin de quantifier les changements de déformation, de température et de vibrations auxquelles le câble est soumis (voir ici pour plus de détail). La mise en œuvre de ces techniques permet d’utiliser la fibre elle-même comme capteur, avec des points de détection continus tout au long de la fibre.
L’utilisation d’un système de surveillance pour des analyses de rétrodiffusion Rayleigh, par exemple, permet une mesure acoustique distribuée (DAS) et, ainsi, l’identification et la classification d’une plage de facteurs basés sur les vibrations, y compris les événements sismiques et l’arrachage d’un câble par une ancre.
Même si cette approche ne permet pas nécessairement d’empêcher un acte de sabotage, les techniques de mesures réparties par fibre optique permettent d’identifier l’emplacement précis de la coupure et d’accélérer la réparation. L’opérateur de câbles peut aussi comprendre ce qui a provoqué la coupure. De plus, une ancre qui racle le fond marin (ou le chalutage/l’excavation) présente un schéma sonore/de vibration identifiable, ce qui peut aussi envoyer un avertissement précoce à l’opérateur. Tous les navires devant utiliser (en théorie) une balise de localisation-transmission, l’opérateur peut identifier le navire qui est sur le point de provoquer un dommage et l’avertir avant que le câble ne soit coupé.
Prévention des pannes
Ces câbles étant cruciaux pour le fonctionnement d’un pays, il est essentiel d’identifier les causes des pannes.
Les coupures et les pannes ne résultent pas seulement d’événements soudains. Du fait de la nature de l’environnement, des pannes de câble peuvent aussi se produire de manière routinière, avec des causes naturelles, sur de longues périodes.
Pour détecter ces phénomènes, une seconde technique de mesures réparties par fibre optique appelée mesure distribuée de température et de déformation (DTSS) permet de détecter les défauts de fabrication aussi bien que la dégradation ou l’usure des câbles constamment traînés sur le fond marin par les courants et accrochés par des rochers.
Cette technique permet de planifier les interventions de manière plus économique et avec le moins de perturbations possible avant qu’une panne n’ait lieu.
Pour les câbles d’alimentation provenant d’éoliennes offshore, il existe un risque supplémentaire de panne dû aux dommages thermiques suite à une transmission électrique excessive qui réduit la durée de vie du câble. Dans ce cas, la technique DFOS de rétrodiffusion Raman pour la mesure distribuée de température (DTS) permet d’effectuer une surveillance continue et d’identifier quand réduire la transmission.
Quand ces technologies seront-elles en service ?
Les systèmes de mesures réparties par fibre optique, tels que la surveillance par fibre optique NITRO de VIAVI, , sont déjà utilisés pour protéger tout un éventail d’infrastructures critiques, des pipelines aux installations militaires, mais ils sont beaucoup moins répandus dans le domaine des câbles sous-marins.
Alors que la nécessité d’une surveillance permanente devient toujours plus essentielle, ces systèmes seront déployés parallèlement aux nouveaux câbles.
Toutefois, le nombre de nouveaux câbles sous-marins destinés aux télécommunications et aux services publics augmente rapidement pour répondre aux besoins du DCI ainsi que des réseaux de communication et de transmission d’énergie. S’il n’existe pas d’obligation légale de déployer des capacités de détection, les propriétaires de câbles et exploitants d’infrastructures s’efforcent toujours plus d’intégrer cette technologie. La pression se fait plus forte en raison du référencement croissant de ces câbles comme infrastructure nationale critique, tout particulièrement en cas de déploiement dans le cadre d’initiatives soutenues par les gouvernements.
À cela s’ajoute le fait que de nombreux câbles existants approchent de leur fin de vie opérationnelle et devront être remplacés ou mis à niveau.
Si la technologie est aujourd’hui rarement utilisée pour les câbles sous-marins, le paysage va évoluer rapidement au regard des avantages et des coûts, et l’on peut espérer que la prochaine panne majeure, ainsi que sa cause, seront identifiées plus rapidement et plus précisément.